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Sommet Afrique-France : les entrepreneurs africains témoignent de l’élan créatif et engagé du continen

Les entrepreneurs engagés étaient nombreux au Nouveau Sommet Afrique-France qui se tenait à Montpellier le 8 octobre dernier. Autant de voix, dont beaucoup de jeunes, à qui il était donné de raconter l’Afrique entrepreneuriale d’aujourd’hui, ses freins et ses difficultés mais aussi ses opportunités et ses formidables élans. Témoignages.

Selon les estimations des Nations unies, d’ici à 2030, 30 millions de jeunes arriveront chaque année sur le marché du travail qui manque déjà d’opportunités d’emploi… Le Nouveau Sommet Afrique-France, qui s’est tenu le 8 octobre à Montpellier, se voulait résolument tourné vers la société civile et notamment vers la jeunesse, qui représente à la fois un atout et un défi majeur en matière de formation et d’insertion professionnelle.

Plusieurs voix de l’entrepreneuriat africain sont venues s’exprimer, et notamment de jeunes voix…

En Ouganda, ProInterns propose une plateforme qui crée du lien entre jeunes et entreprises en connectant les étudiants et les diplômés à des opportunités de stage ou d’emploi. Sa fondatrice, Vanessa Atim, est rentrée en Afrique en 2016, après une expérience à Londres, pour « apporter une solution à mon pays » : « D’ici à 2050, l’Afrique aura la population la plus jeune au monde, alors comment tirer tout le potentiel de cette jeunesse ? C’est la responsabilité des jeunes de faire bouger les choses… Au début, c’était difficile de sensibiliser les employeurs à l’importance d’investir sur la jeunesse. Aujourd’hui, on travaille avec 200 entreprises ».

Elle témoigne toutefois de la difficulté à « être une femme africaine entrepreneure et à trouver des financements, notamment quand on veut passer à l’échelle ».

Un problème également rencontré par Sandy Alibo, fondatrice de Surf Ghana, un collectif qui utilise la pratique du surf et du skateboard comme moteur de la diversité dans l’éducation, l’inclusion sociale et l’autonomisation des jeunes : « J’ai eu des difficultés à accéder aux financements, mais on a été malins en lançant des campagnes de crowdfunding. Nous avons ainsi récolté 30 à 40% du budget pour créer des skate-parks ou un wifi-café ».

Les jeunes entrepreneurs sont les premiers à témoigner des failles qui existent encore sur le continent africain en matière d’éducation et de formation.

« Aujourd’hui, l’éducation de base n’est pas suffisante et un jeune souffre encore de beaucoup de manquements quand il arrive sur le marché professionnel, raconte Matina Razafimahefa, fondatrice de Sayna, un organisme de formation, à Madagascar. Il faut donc pallier ces manques et compléter les softkills notamment. C’est pourquoi nous avons développé une plateforme de formation en ligne qui immerge les étudiants dans un univers avec des contenus pédagogiques, des écrits, de l’audio, des quizz, des webinaires… Et nous avons choisi d’intégrer une dimension d’insertion professionnelle, en proposant aux étudiants de réaliser des micro-tâches IT pour des entreprises internationales qui peuvent être faites d’où qu’ils soient en Afrique. »

L’entrepreneuriat féminin en héritage

Sur le continent africain, 24% des entrepreneurs sont des femmes, avec une légitimité plus ou moins reconnue. Certaines ont reçu l’envie d’entreprendre en héritage…

« En Europe, il existe encore des freins pour les femmes à se considérer comme un moteur économique alors qu’en Afrique de l’ouest, la femme est un entrepreneur né, et elle a besoin d’un coup de pouce dans le développement de l’entreprise », souligne Cécile Barry, aujourd’hui présidente de NOAM, un service traiteur gastronomique de quatre salariés. La jeune femme, dont la grand-mère était déjà à son compte, revendique une double casquette d’entrepreneure et de business coach : « Quand j’ai monté ma première entreprise en 2003, j’ai rejoint un réseau de femmes pour partager mes difficultés avec d’autres femmes entrepreneures, et je me suis engagée dans l’association pour accompagner les femmes ».

En créant l’École 241, école de codage, il y a huit ans au Gabon, Sylvie N’Tchandé Touré, a voulu tordre le cou aux idées préconçues et à la frilosité autour de la capacité des femmes à changer les choses : « J’étais fatiguée du statu quo, du peu de femmes mises en avant et du peu d’initiatives portées par des femmes en Afrique Centrale. J’ai décidé de montrer que les femmes pouvaient faire bouger les lignes, faire le même métier que les hommes, y compris du codage informatique. Un exemple ? Prisca, femme de ménage pendant sept ans après son baccalauréat, et aujourd’hui la meilleure dans une entreprise de software au Gabon ! Les femmes ne sont pas suffisamment présentes sur la scène du numérique, il est temps d’inverser la courbe. »

« Il y a beaucoup de femmes entrepreneures dans ma famille, raconte Sylvie Sagbo, directrice générale de Lysa & Co, une entreprise de transformation et de commercialisation de noix de cajou au Sénégal. Je suis allée travailler en France puis je suis rentrée prendre la relève de l’entreprise familiale créée par ma mère. Il faut qu’on prenne notre place ! En Afrique, les femmes sont des gestionnaires et gérer une entreprise est presque inné… Mais comment les accompagner dans la formation ? 60% d’entre elles ne sont pas allées à l’école ou n’ont pas appris un métier. Chez nous, elles apprennent le métier de la transformation agroalimentaire, elles sont formées aux normes d’hygiène, sur le risque, etc., qu’elles pourront exercer ailleurs si besoin. »

Beaucoup de patience et de pugnacité

Dans le secteur de l’engagement pour la planète, les entrepreneurs africains rencontrent aussi des problèmes de financement de leurs projets.

« En Afrique, on a des difficultés à trouver des fonds pour financer l’innovation, 90% des startups ne sont pas financées, témoigne Karim Gadjigo, créateur du programme Mia Moké, des contenus pédagogiques pour la jeunesse, au Sénégal. Le projet de ce programme d’éducation environnementale, qui comprend des séries d’animation, de la BD, du gaming, etc. a démarré il y a plus de dix ans quand j’ai vu les enfants sénégalais avec des cartables Barbie ou Reine des neiges… J’ai eu envie de créer des héros africains. On a créé une application numérique et aujourd’hui, j’ai un accord à venir avec un éditeur pour faire une série d’animation à diffusion internationale autour d’une petite villageoise africaine. Il faut beaucoup de patience et de pugnacité. »

Youssouf Ali Mbodou est le fondateur de Jouran Jabo, au Tchad : « Mon projet est parti de mon expérience personnelle à N’djamena, où on avait des coupures intensives d’électricité. 90% de la population du Tchad n’ont pas accès à l’électricité, principalement dans les zones rurales. On a cherché une solution. Or le Tchad dispose d’une ressource inépuisable : le soleil ! Mais investir dans des réseaux, c’est beaucoup d’argent. Alors on propose des kits solaires individuels avec des paiements échelonnés pour permettre aux familles modestes d’accéder à électricité ».

Ce qu’attendent les entrepreneurs

Si la question du financement des projets reste cruciale et la première des nécessités, les entrepreneurs du continent africain ont d’autres besoins et d’autres attentes, notamment en termes de réseaux pour sortir de l’isolement et partager des expériences. C’est pourquoi Proparco, filiale de l’Agence Française de Développement, qui participe au financement et à l’accompagnement d’entreprises, d’institutions financières et de fonds d’investissement social notamment en Afrique, a réalisé une enquête pour « créer le réseau de la nouvelle génération d’entrepreneurs ».

Quelque 150 entrepreneurs africains ont répondu, une majorité d’entre eux issus de l’Afrique de l’Ouest et du secteur de l’agro-industrie. Si 86% des répondants sont des TPE-PME, et 85% disent déjà appartenir à une communauté (dont 66% via le digital, réseaux sociaux, sites web ou plateformes digitales), 91% répondent être en attente d’une nouvelle communauté. Un plébiscite.

Mais à quels besoins devrait répondre cette nouvelle communauté ? Pour 45% des répondants, elle devrait les mettre en relation, en Afrique, avec des partenaires sur des sujets de financement, 26,7% avec des fournisseurs, 18,8% avec des clients. A la même question, mais en France, ce sont encore les financeurs (23,8%) qui arrivent en premier, mais les entrepreneurs africains y sont aussi en quête de partenaires (19,1%) ou de conseils spécialisés (17,1%).

Quant aux services essentiels attendus, les entrepreneurs répondent à égalité (19%) la mise en contact avec d’autres entreprises en Afrique et à l’international, et des moyens pour faciliter l’accès à des financements, devant des besoins de visibilité et l’identification de projets dans leur domaine d’activité avec mise en relation.

24% des entrepreneurs aimeraient recevoir des informations sur les outils d’accompagnement technique, 17% sur des événements diplomatiques français, 16% sur des études sectorielles et géographiques. Et 37% souhaiteraient pouvoir partager la brève présentation de leur entreprise avec la future communauté, 28% sa mise en avant lors d’un événement, et 21% l’impact social et environnemental de son entreprise (signe des temps…).

Au-delà de cette première image des besoins, une trentaine d’entrepreneurs ont travaillé durant 48 heures sur la base de cette enquête pour construire les prémices de cette future communauté et les bases d’un outil en ligne qui aiderait concrètement les entrepreneurs au quotidien avec trois éléments primordiaux qui répondraient à trois besoins essentiels : les financements (possibilité de poser ses besoins dans l’outil dont l’algorithme les ferait matcher avec des investisseurs idoines), le recrutement de talents (rédaction d’offres et de demandes dans l’outil, avec tests et mise en relation) et la demande d’aide à la communauté avec une précision sur le niveau d’urgence sur le principe du mentorat.

Source: LA TRIBUNE

Written by rédaction

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