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Un « Discours aux nations africaines » qui fera « Traces »

Étienne Minoungou porte le texte sage et engagé de l’économiste, philosophe et écrivain Felwine Sarr.
À la kora, le musicien Simon Winsé, d’une présence et d’une compagnie discrètes mais essentielles, égrène quelques notes, sur fond de clair de lune. Comme si l’on était au pied du baobab, prêts à tendre l’oreille pour mieux écouter les contes de nos ancêtres. Ou cette parole qui gît à leurs pieds et qu’ils convoquent rarement.

Au micro, de retour d’une longue odyssée, en costume sobre et traditionnel, le comédien, dramaturge et fondateur des Récréatrales à Ouagadougou, le Burkinabé Étienne Minoungou, bien connu des Belges, aussi, s’adresse aux siens.

À l’écriture, le Sénégalais Felwinne Sarr, économiste, écrivain, philosophe, et plus encore, dont les ouvrages Afrotopia (2017) et Habiter le monde (2017) ont connu un retentissement international et changé le regard des Européens, mais surtout des Africains sur eux-mêmes, puisqu’ils tendent à leur rendre leur fierté et leur légitimité.

Dans les crues du Nil
Pour ouvrir dignement sa saison, le Théâtre de l’Ancre programmait, mardi soir, la première belge de Traces. Discours aux nations africaines – titre en écho au Discours à la nationd’Ascanio Celestini – et par là, la langue riche, poétique et engagée de Sarr, dont le texte mériterait d’être relu à tête reposée, pour sa beauté comme pour sa densité. Le public ne ratait d’ailleurs pas une seule des paroles susurrées avec respect et justesse par le comédien, dont les airs de prédicateur trahissent parfois un passé de séminariste.

Nourri de la sagesse des aînés, d’espoir et de révolte, ce discours, aux accents parfois bibliques, s’adresse aux habitants de Dakar, de Lubumbashi, de Nairobi, de Brazzaville ou du Caire. À ceux, aussi, qui parlent en wolof ou en zoulou ou qui, comme l’orateur, partirent un jour pour quitter cette vie monotone et cette femme qui ne l’admirait même plus. Jusqu’à ce que la mer le « vomisse un matin sur une plage de Méditerranée », qu’il connaisse la prison, les centres fermés et le travail au noir, pour revenir finalement sur cette terre rocailleuse par endroits, mais fertile à d’autres. Cette terre, grâce à laquelle l’Europe s’est enrichie du funeste commerce d’épices ou de la canne à sucre.

© Véronique Vercheval
Il ne s’agit pas, nous dit le sage, de réécrire l’histoire mais plutôt de ne plus accepter que, par vénalité, le frère se dresse contre le frère, qu’un continent entier soit considéré comme sous-développé, comme si ses habitants n’avaient pas été « achevés à la naissance ».

Plus vindicatif, l’orateur rappelle enfin que les Africains ne doivent plus accepter d’être le champ du monde que l’on dévaste, cette mine qu’on exploite, cette forêt qu’on détruit mais bien réapprendre à ce « que nous apprennent les crues du Nil ». Un discours qui, assurément, fera trace.

À « Une semaine d’art en Avignon » du 23 au 27/10, à Ouagadougou, du 1 au 3/11, au Théâtre royal de Namur du 27/1 au 10/2 (081.226.026 ou www.theatredenamur.be), entre autres. Plus d’infos : chargedurhinoceros.be

Written by rédaction

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