L’ascension de la tech africaine est-elle un lointain souvenir ? Alors même que nous célébrions le cap de 1,3 milliard de dollars investi dans les startups africaines en 2019, la Tech « Made in Africa » pourrait bien se prendre le mur si rien n’est fait pour accompagner les startups de l’écosystème face aux défis provoqués par la crise sanitaire qui sévit sur le continent.
Tout allait pourtant pour le mieux, dans le meilleur des mondes : 645 incubateurs, en 2019, étaient recensés sur le continent, contre 314 en 2016 et 442 en 2017. Pour les trois premiers mois de 2020, plus de 335 millions de dollars avaient déjà été investis !
Mais le coronavirus a débarqué sur le continent… fauchant brutalement les espoirs légitimement suscités. A mesure que les taux d’infection augmentent, l’économie mondiale ralentit – de manière brutale – et les économies africaines ne dérogent pas à ce constat. S’il est trop tôt pour mesurer la totalité des effets de la crise sur le continent, experts et institutions s’alarment. La Banque africaine de développement (BAD) prévoit ainsi une baisse substantielle du PIB du continent, qui passerait de 3,2 à 1,8 point de croissance, conséquence directe de la pandémie. Dans l’économie réelle, la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs et des revenus des entreprises sera parmi les premiers effets ressentis. À court terme, ce sont les petites et moyennes entreprises qui courent le plus grand risque, faute de fonds suffisants. Or, l’importance des TPE, petits commerçants et micro-entreprises, est une des spécificités du continent africain. En effet, ces entreprises constituent 95 % de l’activité, tout en figurant en tête des employeurs du continent !
80% de startups viables pourraient ne pas survivre !
Cet arrêt brutal de l’économie sur le continent pourrait balayer les succès anticipés et hypothéquer l’avenir encourageant de cette dynamique entrepreneuriale. L’étude de la Fondation GreenTec Capital Africa et We Tracker, à paraître à la fin du mois d’avril, réalisée avant le début de la crise du Covid-19, révélait un taux d’échec culminant à 56% pour les jeunes pousses. 80% de ces startups qui échouait, n’avait pas reçu de soutien financier à l’amorçage. De nombreuses jeunes entreprises africaines – plus de 80 % – acclamées hier encore, pourraient se retrouver contraintes de baisser le rideau, dans des délais records si des fonds ad hoc n’étaient pas mis à leur disposition.
Depuis mi-mars, nous observons un mouvement de panique face à des perspectives court terme qui commenceraient par des destructions d’emploi. Face à cela, les acteurs de l’écosystème tentent de mutualiser des solutions de réorganisation permettant de gagner du temps. Mais la mise en place d’actions coup-de-poing pour compenser ce manque ponctuel de liquidités est indispensable pour le plus grand nombre. Sinon, tout l’argent investi jusqu’à présent n’aura servi à rien. Cela coûtera plus cher de reconstruire que d’investir dès aujourd’hui.
Les bailleurs de fonds ont déjà amorcé plusieurs mécanismes de financement pour soutenir les économies africaines, mais la considération des startups aux agendas des acteurs de l’aide au développement demeure incertaine.
Les gouvernements et autres organisations privées ne sont pas en reste. Des initiatives commencent à émerger : l’International Trade Center développe par exemple, un centre de ressources dédié aux impacts de la pandémie sur les startups et PME du continent.
Les autorités en Afrique francophone formulent des réponses, comme au Sénégal où Papa Amadou Sarr, directeur général de la Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des Femmes et Jeune (DER/FJ), a annoncé la suspension temporaire des dettes des jeunes entreprises et un plan de 1,5 milliard Fcfa d’aides attribuées sous forme de subventions et prêts divers. Les organisations fédérant les acteurs du capital-risque comme l’African Private Equity and Venture Capital Association (AVCA) ou la African Business Angel Network (ABAN), planchent, quant à elles, sur des mécanismes pour accompagner les fonds d’investissement dans leur mission aux côtés des entrepreneurs. L’enjeu étant pour les investisseurs de trouver l’équilibre entre des tours de table anticipés et le respect des politiques d’allocation, de sorte à pouvoir accompagner d’autres structures à fort potentiel.
Ajuster les solutions face au caractère d’urgence
L’ambition de notre politique d’investissement opérationnel est donc partiellement réorientée vers l’implémentation de mesures de résilience pour optimiser la résistance des entreprises face à la durée de la crise et ses conséquences. Par cette action concrète, nous maintenons une véritable capacité d’accompagnement humain et technique, propre au Venture Building, notre modèle d’investissement original, plébiscité par de nombreux acteurs du développement en Afrique. Les opportunités qui nous ont été données de passer à l’échelle avec des partenaires tels que l’A.F.D. (Agence française de développement) ou la G.I.Z. (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit), nous permettent d’appréhender en amont les risques imminents de l’écosystème des startups africaines.
Cette action consisterait en une aide destinée à la préservation des emplois en péril, mettant à disposition des fonds d’urgence destinés aux startups porteuses d’emplois qui, sans cette crise, étaient génératrice d’activité économique stable. Cette initiative commencerait donc par l’identification de ces entreprises en collaboration avec l’écosystème, suivi d’un support en capacité de résilience pour s’assurer de la pertinence des besoins avec en parallèle le versement d’une enveloppe adaptée pour couvrir leurs frais fixes pendant une période limitée.
En accordant dès aujourd’hui une somme mensuelle de 5 à 10 000 euros pendant 3 à 5 mois maximum, à des startups ciblées – au moins 2 ans d’existence, + de 10 employés fixes, aux revenus récurrents et à l’activité stoppée net par le Covid-19, et qui repartiront une fois la sortie de la pandémie actée – nous pourrions préserver les acquis, sans se disperser dans des programmes de reconstruction post-crise qui demanderont forcement énormément plus de ressource pour relancer l’écosystème.
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